L’étudiante ayant reçu l’appui de la presse d’état dans sa campagne ratée pour sanctionner le professeur « pro‑Poutine » Carley avait reçu une subvention du Défense Canada

Une image du journaliste de Radio Canada (RDI) Romain Schué et de l'étudiante de l'Université de Montréal Katerina Sviderskaya, devant un fond noir. 

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Ecrit par: Arnold August

Le journal The Canada Files est en mesure de révéler que l’étudiante ukrainienne de l’Université de Montréal, Katerina Sviderskaya, avait obtenu une bourse de plusieurs milliers de dollars du ministère canadien de la Défense nationale, et ce, quatre mois avant de s’associer au journaliste Romain Schué de la chaîne publique francophone Radio‑Canada (RDI) dans le cadre d’une campagne visant à obtenir des sanctions contre le professeur de l’Université de Montréal, Michael J. Carley, qui est un expert réputé de l’URSS et de la Russie.

Le 24 novembre 2021, Sviderskaya a reçu une subvention de 6 488,78 $ du programme « Mobilisation des idées nouvelles en matière de défense et de sécurité » (MINDS) du ministère de la Défense nationale du Canada, en vue de réaliser une analyse de la « guerre informationnelle à la russe » en lien avec le « conflit en Ukraine ». La subvention porte effectivement le titre « Guerre informationnelle à la russe : le conflit en Ukraine », et le montant accordé visait la réalisation d’une telle analyse dans le cadre d’une entente valable jusqu’au 24 novembre 2022.

Le programme MINDS est chapeauté par le ministère canadien de la Défense nationale qui, selon son propre site Web, « appuie les Forces armées canadiennes qui servent en mer, sur terre et dans les airs au sein de la Marine, de l’Armée de terre, de l’Aviation et des Forces d’opérations spéciales pour défendre les intérêts canadiens au pays et à l’étranger ». Pourquoi cette révélation est-elle importante?

 

La pétition anti-Carley qui a fait long feu

Le 23 mars 2022, soit près d’un mois après l’intervention militaire de la Russie en Ukraine, la chaîne francophone Radio Canada (RDI) financée par le gouvernement du Canada a publié un article de l’un de ses journalistes, Romain Schué, ayant pour titre : « Malaise à l’UdeM : un professeur pro-Poutine défend l’invasion russe ». L’article s’appuie sur deux sources. D’abord, le journaliste se fonde sur une série de tweets de Carley à propos de la guerre, mais pris hors contexte. Pour le reste, Schué s’en remet aux commentaires anonymes de certains professeurs et étudiants de l’Université. Or, l’article omet complètement de mentionner les travaux de recherche et les études approfondies de ce spécialiste de l’Union soviétique et de la Russie. Le professeur Carley a publié trois ouvrages sur ces questions ainsi qu’une centaine d’articles et d’essais, sans compter les quelque 115 chapitres de livres qu’il a signés. Ses articles lui ont valu une quinzaine de distinctions. Du reste, ses textes publiés au Canada, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en France, en Italie, en Russie et ailleurs ont été traduits dans une douzaine de langues.

Par la suite, Romain Schué a annoncé une nouvelle supposément essentielle, c’est-à-dire que Carley avait été exclu du Centre d’études et de recherches de l’Université de Montréal (CÉRIUM). Nous aborderons plus loin dans le présent texte l’importance réelle de cet épisode aux yeux de ceux qui souhaitaient une sanction à l’encontre de Carley, à la lumière d’une entrevue exclusive avec le professeur Samir Saul, qui est également au service de l’Université de Montréal.

Quant à l’étudiante ukrainienne de l’Université de Montréal, Katerina Sviderskaya, rappelons que celle-ci avait lancé une pétition en mars 2022 pour demander une suspension et des sanctions à l’encontre du professeur Carley, au moment même où elle bénéficiait d’une subvention du ministère de la Défense nationale. De fait, cette pétition n’engage aucun frais, si bien qu’il n’y a peut-être aucun lien direct entre ce financement et la pétition, ou peut-être que si. Il n’en demeure pas moins que Sviderskaya, sachant qu’elle avait les coudées franches d’Ottawa, agissait certainement en toute confiance en s’adressant aux instances de l’Université pour s’en prendre à un professeur permanent. Consultez la pétition ici.

Titre : Michael J. Carley, vecteur de propagande pro-Poutine à l’UdeM.
Voici le libellé de la pétition : « Dans l’article de Romain Schué, publié le 23 mars 2022 à 12 h 37 par Radio‑Canada, intitulé “Malaise à l’UdeM : un professeur pro-Poutine défend l’invasion russe”, il est question de Michael Jabara Carley, travaillant au Département d’histoire de l’Université de Montréal en tant que professeur titulaire. » La pétition reprend ensuite les accusations portées contre Carley. Elle est adressée au recteur de l’Université de Montréal, au doyen de la Faculté des arts et des Sciences, ainsi qu’aux directeurs des départements d’histoire et de science politique.

La pétition se termine comme suit : « Ainsi, considérant que Michael Jabara Carley a délibérément induit en erreur des centaines, voire des milliers, d’étudiants et de membres de la communauté scientifique en ce qui concerne la guerre que la Russie mène contre l’Ukraine depuis 2014 [sic], ayant pris une ampleur bien plus grande le 24 février 2022, il est passible de réprimande, de suspension ou de renvoi de l’Université de Montréal. »

 

Les médias grand public nord-américains font écho à la chasse aux sorcières contre le professeur Carley, mais la pétition achoppe lamentablement

En relayant la pétition de Sviderskaya, d’autres grands médias ont aussi alimenté la chasse aux sorcières de l’« affaire » Carley « pro‑Poutine », non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis. Le 23 mars 2022, le principal quotidien francophone du Canada, La Presse, publiait un article reprenant essentiellement les points de discussion de Romain Schué, sa principale manchette étant basée sur la pétition : « Sanctions réclamées contre un professeur pro‑russe ». L’article se poursuivait ainsi : « Devant l’“inaction” de l’Université, Katia Sviderskaya et une autre étudiante ont lancé une pétition réclamant des sanctions à l’égard de Michael J. Carley. Elle a récolté plus de 150 signatures, dont celle de nombreux étudiants d’origine ukrainienne. »

L’un des grands quotidiens anglophones du Canada, le Globe and Mail, a publicisé la pétition en titrant en manchette : « Deux étudiants de l’Université de Montréal ont lancé une pétition contre un professeur d’histoire de longue date pour ses commentaires “choquants” dans les médias sociaux en faveur de l’invasion de l’Ukraine par la Russie ». [traduction] Dès la première phrase, cet article du 27 mars 2022 donne à penser que la pétition avait récolté un appui massif, dans l’espoir de donner de l’élan à la cause : « La pétition, qui avait reçu déjà plus de 175 signatures dimanche soir [27 mars] […] » [traduction]

Un autre quotidien francophone, Le Journal de Montréal, a aussi évoqué la pétition.

Enfin, l’influent magazine américain Newsweek a fait paraître un article intitulé « Un professeur de Montréal en faveur de l’invasion russe en Ukraine fait l’objet d’une pétition étudiante » [traduction], le tout suivi d’un autre effort pour mousser la campagne : « La pétition a déjà récolté plus de 260 signatures jusqu’ici [28 mars]. »

Aucun des articles de presse présentant Sviderskaya n’a mentionné la subvention que cette dernière avait reçue du programme MINDS chapeauté par le ministère canadien de la Défense nationale avant même la publication de l’article initial. Sviderskaya n’a pas daigné répondre à la question de l’auteur de ces lignes : a-t-elle jamais informé les médias de la subvention qu’elle recevait?

Compte tenu de la promotion et du battage médiatique à l’échelle internationale en lien avec la pétition, même les lecteurs de la presse anglophone au Canada et aux États-Unis ont fini par être suffisamment informés pour pouvoir la signer malgré le fait qu’elle était initialement en français. D’ailleurs, n’importe qui dans le monde pouvait se porter signataire, comme en fait foi la signature de ce résident de San Francisco, en Californie.

On trouve aussi de nombreux autres signataires d’Europe et même du Japon. Et quel en a été le résultat au juste? La pétition est tombée à plat. Ce fut un fiasco. Alors qu’elle avait « déjà » récolté de 150 à 260 signatures en mars 2022 (ce qui laissait croire à un élan de dynamisme), voici où elle en est maintenant en date du 9 décembre 2022 : la pétition a recueilli 804 signatures près de neuf mois après son lancement et malgré le soutien total des médias grand public et de Sviderskaya (la pétitionnaire et bénéficiaire d’une subvention du ministère canadien de la Défense nationale jusqu’au 24 novembre 2022). Même la fonction d’auto-évaluation du site de la pétition indique qu’au moins 1 000 signatures sont nécessaires pour qu’une pétition puisse avoir un quelconque impact.

En somme, il ne s’agit que d’un canard boiteux. D’ailleurs, la page de la pétition mise en ligne par Sviderskaya avait même été retirée comme le montre la capture d’écran où aucun contenu ne s’affiche. Elle a toutefois été remise en ligne depuis puisque l’instigatrice a reçu notre lettre (voir plus loin), dans laquelle nous précisions notre intention de publiciser l’affaire. Voici une capture d’écran de cette page.

« Merci de défendre la rigueur intellectuelle au sein de notre université et de dénoncer tout comportement allant à l’encontre de ce principe. Merci de combattre la propagande pro-Poutine au sein même de l’Université de Montréal.

Merci de signer cette pétition!

Michael J. Carley, vecteur de propagande pro-Poutine à l’UdeM »

Le texte avant son retrait : La pétition a échoué lamentablement puisque, même avec la « publicité gratuite » dont elle a bénéficié depuis le 12 décembre 2022, c’est-à-dire à compter de la publication de cet article en anglais qui a été largement diffusé, le nombre de signataires est demeuré à peu près stable et se chiffre actuellement à 804. Pas une signature de plus.

Si un utilisateur cliquait sur le lien, celui-ci était encore valide. https://www.facebook.com/groups/210998542296116/user/100001695406994/  

Voici le résultat :

Entrevue L’« affaire Carley » vue de l’intérieur de la faculté universitaire

Rappelons que, selon le journaliste Romain Schué, le fait que le professeur Carley ait été écarté du CÉRIUM était un élément majeur et une indication que d’autres sanctions suivraient certainement.

Samir Saul. Professeur titulaire, Département d’histoire, Université de Montréal. Entrevue pour le compte de Canada Files, le 11 décembre 2022.

Arnold August : Quel était le statut académique du professeur Carley avant l’incident de mars 2022 [c’est-à-dire avant la publication de l’article de Romain Schué de RDI]?

Samir Saul : Carley était professeur titulaire avant mars 2022, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Il a également été directeur du Département d’histoire de l’Université de Montréal (de 2007 à 2014) et chercheur au CÉRIUM. Le statut de chercheur au CÉRIUM est facultatif et secondaire. Certains professeurs y sont inscrits, d’autres non : cela n’a aucune incidence sur leur emploi à l’Université de Montréal et sur leurs activités. En fait, un professeur est un employé de l’Université, pas du CÉRIUM. La fonction première de Carley, c’est d’être professeur d’histoire et non chercheur au CÉRIUM.

AA : Enseignait-il durant le trimestre d’hiver 2022?

SS : Non, il avait pris un congé sabbatique en 2021-2022. Un tel congé est un droit que les professeurs permanents peuvent exercer pour s’éloigner de l’enseignement durant un certain temps afin de se concentrer sur la recherche et l’écriture.

AA : Voici les cours qu’il donne :

HST2296 – La Seconde Guerre mondiale

HST2297 – Histoire de la Guerre froide

HST3259 – Relations internationales : URSS et Russie

HST6701 – L’URSS/la Russie et l’Occident de 1917 à nos jours

Est-ce exact?

SS : Oui, ce sont les cours qu’il donne.

AA : Auriez-vous quelque chose à ajouter concernant ses qualifications et activités universitaires avant mars 2022?

SS : Le professeur Carley est un spécialiste reconnu de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et il a de nombreuses publications spécialisées à son actif. Il consacre tout son temps à son enseignement, à ses recherches et à ses publications.

AA : Comment s’est déroulée son expulsion du CÉRIUM?

SS : Nous avons appris dans l’article de Radio-Canada [Romain Schué à RDI] que « son nom a d’ailleurs été retiré de la liste des chercheurs membres du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM) ». Or, le professeur Carley n’en avait pas été avisé (il l’a appris en lisant cet article) et on ne sait pas de quelle manière ce « retrait » s’est concrétisé. Personne n’a communiqué avec Carley et ce dernier n’a pas été convié à une audience avant les faits.

Je tiens à réitérer que ce « retrait » est sans importance. Il n’est pas nécessaire d’être membre du CÉRIUM, et Carley n’y était même pas actif. Il se consacrait à ses tâches d’enseignement et à sa carrière de chercheur indépendamment du CÉRIUM. Aucune de ses publications n’a été produite avec une aide quelconque de la part du CÉRIUM, et il n’a jamais associé cette entité à l’un ou l’autre de ses publications. Cette annonce soudaine dans l’article visait principalement à alimenter la campagne menée contre lui et à inciter son employeur (l’Université de Montréal) à le sanctionner. L’employeur a refusé de le faire parce qu’il se devait de protéger le droit à la liberté d’expression des membres de la communauté universitaire.

AA : Le professeur Carley a-t-il subi d’autres pressions depuis mars 2022?

SS : En mars 2022, une étudiante ukrainienne a lancé une pétition contre lui.

AA : S’il le souhaite, Carley pourra-t-il reprendre ses tâches d’enseignement au cours des prochains trimestres malgré les pressions faites à l’Université de Montréal?

SS : Il reprendra son enseignement comme prévu. L’Université a une politique officielle en faveur de la liberté d’expression (qui fait partie intégrante de la liberté académique). D’ailleurs, à compter de cette année, le nouveau projet de loi 32 du gouvernement du Québec sur la liberté académique protège de tels droits.

AA : Quelles ont été les réactions diverses – et peut-être opposées – des autres professeurs du Département d’histoire par rapport à la manière dont RDI a traité du cas de Carley et de son expulsion du CÉRIUM?

SS : En mars dernier, certains membres du Département d’histoire ont subi des pressions de la part de personnes leur reprochant d’être associés au professeur Carley (ce qui est ridicule, car les professeurs sont indépendants et ne sont pas responsables de ce que leurs collègues peuvent dire ou faire). Ces personnes les incitaient alors à le condamner pour mieux « s’en dissocier ».

AA : Vous avez récemment cosigné un article avec Michel Seymour (de l’Université de Montréal) sous le titre : « L’enjeu en Ukraine, c’est l’avenir du capitalisme mondialisé ». Il s’agit d’une question importante. Pensez-vous que c’est en partie à cause du risque d’ébranler le statu quo mondial que RDI semble avoir abandonné tout semblant d’objectivité concernant l’Ukraine et, par ricochet, concernant le professeur Carley?

SS : C’est effectivement cette portée qui explique que la plupart des « grands » médias occidentaux diffusent inlassablement le même point de vue unilatéral et les mêmes exposés partisans.

AA : Nous avons appris que l’auteure de la pétition contre le professeur Carley avait reçu une subvention du gouvernement du Canada (Défense nationale) à hauteur de 6 488,78 $ pour la période du 24 novembre 2021 au 24 novembre 2022 (ce qui couvrait donc le mois de mars 2022), sous la rubrique suivante : « Guerre informationnelle à la russe : le conflit en Ukraine »

Êtes-vous surpris? Qu’en pensez-vous?

SS : Je n’étais pas au courant de cela, et je ne connaissais pas cette personne. Ses affirmations montrent qu’elle ne saisissait aucunement les notions de liberté d’expression, et qu’elle cherchait principalement à museler et à condamner quiconque ne partageait pas ses vues. Elle avait encore beaucoup à apprendre.

Le lecteur saura tirer ses propres conclusions... En dépit du soutien des médias et des acteurs étatiques, le professeur Saul démolit ici l’idée d’une quelconque victoire dans l’exclusion du professeur Carley du CÉRIUM, comme le prétendait pourtant la pétition de Sviderskaya pour le faire renvoyer de l’Université. Du reste, cela confirme la totale inefficacité de la pétition, qui a dû se limiter à cet élément insignifiant, c’est-à-dire l’expulsion de Carley du CÉRIUM. En fait, tout l’épisode du CÉRIUM s’est avéré être un faux-fuyant.

La façon sournoise dont le professeur Carley a été démis de ses fonctions par le directeur du CÉRIUM, avec le soutien du bout des lèvres de quelques personnes qui partageaient les mêmes idées, prouve que ses détracteurs étaient minoritaires au sein de la communauté universitaire, malgré l’appui des puissants médias et de l’État. En fin de compte, le résultat dans la cause de Carley aura été positif : il a gagné la bataille de la liberté d’expression. C’est une source de fierté pour ceux d’entre nous qui ont confiance dans la nature progressiste des étudiants et des professeurs québécois en sciences sociales.

 


 

Peut-on penser que l’article original de Canada Files sur l’« affaire Carley » a pu contribuer à l’échec de la pétition?

À la suite de la publication du premier article du journal The Canada Files, le 9 mai, nous avons reçu une série de commentaires positifs. Pendant plus d’un mois, cet article publié en anglais et en français ainsi que les commentaires qu’il avait suscités (pour la plupart bilingues) ont été envoyés à tous les journalistes des six médias du Québec, du Canada et des États-Unis qui avaient sauté dans le train en marche de ce qu’ils considéraient – à tort – comme un mouvement anti-Carley.

Nous avons aussi communiqué avec des associations de journalistes professionnels, avec les responsables d’une émission qui s’enorgueillit du titre Les Décrypteurs en se donnant pour mission de « combattre la désinformation », ainsi qu’avec d’autres journalistes québécois.

Cette insistance a-t-elle contribué à l’impasse, l’Université n’ayant pas osé sanctionner le professeur Carley? C’est difficile à dire. Pourtant, la réaction de certains journalistes laisse poindre un agacement. Par exemple, voici la réponse de l’un des journalistes de l’émission Les Décrypteurs au courriel acheminé par l’auteur de ces lignes, transmise en copie conforme à tous les membres de l’équipe :

«Une atteinte à la liberté d’expression contre un professeur de Montréal

Bonjour M. August,

Nous avons bien reçu vos multiples messages à ce sujet. Prière de ne plus en envoyer.

Au plaisir,

Nicholas »

Il est permis de se demander pourquo«i on refuse ainsi de simplement débattre avec ceux qui sont « de l’autre côté » dans l’« affaire Carley », au point de ne plus souhaiter recevoir les courriels de l’auteur des présentes? Peut-on en conclure qu’ils considèrent, dans leur for intérieur, que cette chasse aux sorcières contre le professeur Carley est injustifiée, mais qu’ils préfèrent y passer outre pour faire toute la place à leur position journalistique qui s’oblige en faveur du discours Canada-États-Unis-OTAN contre la Russie? Nous n’avons reçu aucune explication quant à leurs refus de traiter de l’« affaire Carley » et de la désinformation qui l’entoure, même si (ou parce que) l’article de désinformation à l’origine de cette situation était signé par nul autre que leur collègue de RDI, le journaliste Romain Schué.

Peut-être préfèrent-ils ne plus recevoir de courriels où on leur rappellerait le dilemme auquel ils sont confrontés, c’est-à-dire celui d’entendre ou non – en toute franchise – ce que nous avons à dire? Ce journaliste voit-il seulement l’ironie que contient sa réponse à notre dernier courriel (voir la portion inférieure de la capture d’écran ci-dessus), où l’on entrevoit la critique d’un article signé par l’auteur de ces lignes. Cette critique avait été rédigée par une experte du fascisme de la Seconde Guerre mondiale, où s’incarnait justement la désinformation dans sa forme la plus pure. Suzanne Weiss est une survivante de l’Holocauste. Elle a écrit un ouvrage à ce sujet et a consacré sa vie à combattre le type de désinformation qui a effectivement ouvert la voie au fascisme. Sa critique de l’article initial dans l’affaire Carley est accessible ici (en anglais).

La seule autre réaction à notre envoi massif de courriels provenait d’un autre jeune journaliste québécois, Patrick Lagacé, qui s’exprimait ainsi dans une réponse laconique :

« Si la liberté académique vaut quoi que ce soit, il ne saurait être inquiété. »

Sa réponse laisse peut-être entrevoir l’idée que la liberté académique a ses limites lorsqu’elle s’oppose au discours de l’OTAN. Quoi qu’il en soit, il n’a pas donné suite au débat sur les ramifications de l’article de Romain Schué.

La réaction de Sviderskaya devant notre proposition de publier sa version des faits concernant sa subvention du ministère de la Défense nationale

Il était un peu inusité qu’en mars 2022, une étudiante se sente assez brave et confiante pour demander aux instances universitaires de sanctionner l’un des membres de sa propre faculté, et même de le faire expulser. Aujourd’hui, tout cela s’explique peut-être par la récente révélation selon laquelle la pétitionnaire Sviderskaya bénéficiait d’une subvention du ministère canadien de la Défense nationale, qui est aujourd’hui pleinement engagé aux côtés des États-Unis et de l’OTAN dans la guerre en Ukraine.

Le journal The Canada Files a communiqué avec Sviderskaya via l’application Messenger de Facebook, ainsi qu’en utilisant son adresse courriel. La lettre suivante lui a été transmise en vue de connaître sa version des faits. Voici la version française :

Katerina Sviderskaya,

Je m’appelle Arnold August et j’habite à Montréal. Je suis l’un des collaborateurs du magazine The Canada Files. J’aimerais vous poser quelques questions en prévision d’un article à paraître.

Canada Files a appris que vous avez reçu une subvention du programme « Mobilisation des idées nouvelles en matière de défense et de sécurité » (MINDS) du ministère canadien de la Défense nationale. La somme (6 488 dollars canadiens pour être exact) a été attribuée dans le cadre du projet « Guerre informationnelle à la russe : le conflit en Ukraine », en vigueur du 24 novembre 2021 au 24 novembre 2022. 

En mars 2022, alors que vous étiez étudiante à l’Université de Montréal et que vous receviez des fonds du programme MINDS, vous êtes devenue la figure de proue de l’initiative d’appel à l’action contre le professeur Michael J. Carley de l’Université de Montréal pour ses prétendues positions pro-Poutine.

Voici mes questions :

Pourquoi n’avez-vous pas divulgué à la presse que vous receviez des fonds du programme MINDS, à l’occasion de vos sorties médiatiques dans le sillage de votre prise de position contre M. Carley dès la fin du mois de mars 2022? 

Avez-vous informé l’Université de Montréal de l’existence de ce financement du programme MINDS alors que vous demandiez des sanctions contre le professeur Carley?

Par la présente, Canada Files sollicite officiellement vos commentaires en prévision de notre article, qui sera publié le vendredi 9 décembre, à 18 h. Si vous souhaitez vous exprimer, veuillez répondre d’ici le mercredi 7 décembre, à 18 h.

Salutations,

Arnold August

Le 5 décembre 2022

Sviderskaya n’a pas saisi cette occasion de donner sa version des faits. Toutefois, elle a bel et bien pris connaissance du message. En effet, l’application Messenger de Facebook affiche sa photo de profil en bas à droite pour confirmer que le message a été lu.

Même si n’avons obtenu aucune réponse de sa part, elle a néanmoins bloqué l’accès à sa page Facebook pour empêcher l’auteur de ces lignes de consulter son compte.

Katerina Sviderskaya sollicite des fonds au Canada pour aider les forces armées ukrainiennes

Ce refus de commenter a piqué notre curiosité. Aurait-elle quelque chose d’autre à cacher? The Canada Files a obtenu des captures d’écran de ses activités sur Facebook. Elles sont pour le moins révélatrices.

Non seulement a-t-elle reçu des fonds du ministère canadien de la Défense, mais elle sollicite également des fonds au Canada au profit des forces armées ukrainiennes. Ci-dessous, elle met en vitrine l’organisation United24. De quoi s’agit-il?

La section « Défense et déminage » dont elle fait mention possède 1 474 drones, 100 cours de formation sur les drones, mais seulement un dispositif de déminage. Bref, en plus de bénéficier d’une subvention du ministère canadien de la Défense nationale, Sviderskaya amasse des fonds pour les forces armées ukrainiennes, et ce, alors même qu’elle jouit de l’appui du gouvernement canadien pour asseoir sa « crédibilité » contre le professeur Carley par l’entremise de la chaîne publique RDI subventionnée par l’État (et de son journaliste Romain Schué). La Fédération professionnelle des journalistes du Québec ne devrait-elle pas s’exprimer au sujet de ce conflit d’intérêt évident?

Pour mémoire : le ministère canadien de la Défense nationale a également eu la chance de répondre

La lettre qui suit a été transmise au Bureau des relations avec les médias du ministère canadien de la Défense nationale :

Nous n’avons obtenu aucune réponse du Ministère. Nous avons également transmis un courriel ciblé afin d’obtenir des commentaires du programme MINDS, auquel nous n’avons également reçu aucune réponse.

 

À propos de la subvention du ministère canadien de la Défense nationale dont bénéficie Sviderskaya pour la « guerre informationnelle »

Contre toute attente, il faut dire que le gouvernement canadien a probablement raison à propos de l’Ukraine : le nœud du problème, c’est bel et bien la « guerre informationnelle ». Il faut toutefois se demander quelle devrait être la position des Québécois et des Canadiens. Par exemple, nous avons retrouvé une déclaration étonnante sur la page Facebook de Sviderskaya, ce qui explique peut-être qu’elle aimerait mieux qu’on ne s’intéresse pas trop à sa subvention des forces armées canadiennes :

Sviderskaya écrit : « L’Ukraine était, est et sera toujours au cœur du monde libre ». Rappelons qu’en mars 2022, le duo Schué-Sviderskaya avait tenté de ridiculiser le professeur Carley en tronquant ses tweets et en omettant délibérément de mentionner ses travaux qui s’échelonnent sur plusieurs décennies à propos de l’URSS et de la Russie :

« Les troupes russes combattent les “fascistes” en Ukraine. “L’évacuation des civils” est bloquée par “les troupes d’Azov, les fascistes”. “L’horreur du fascisme en Ukraine devient de plus en plus évidente”. “Le Donbass et Marioupol sont en train d’être nettoyés des nazis ukrainiens”. »

Neuf mois plus tard, des analystes sérieux représentant un large éventail d’opinions politiques dans de nombreux pays de l’OTAN et d’ailleurs confirment que non seulement « l’horreur du fascisme en Ukraine devient de plus en plus évidente », mais qu’elle est désormais indiscutable.

L’auteur du présent texte s’exprime au sujet de la guerre informationnelle menée par l’équipe Schué-Sviderskaya avec le soutien de l’État canadien, et signe en son nom propre et non en celui de M. Carley (qu’il n’a d’ailleurs jamais rencontré). Cette affaire est fondée sur des mensonges purs et simples pour cacher l’existence de nazis en Ukraine, et met ironiquement à profit la devise même du ministre nazi de la Propagande, Joseph Goebbels : « Un mensonge même énoncé demeure un mensonge, mais répété mille fois il devient vérité. »

Le « massacre de Bucha » est un bon exemple des nombreuses faussetés que l’OTAN et les grands médias occidentaux colportent à propos de l’Ukraine, comme on peut le constater ici. C’est également le cas dans le dossier de l’hôpital de Marioupol : « Entrevue avec Marianna Vychemirskaya : “Il n’y a pas eu de frappe aérienne à la maternité no 3 de Marioupol” »

Le gouvernement canadien ne semble avoir aucune gêne à utiliser les deniers publics pour financer la guerre informationnelle contre Poutine, contre le peuple russe et contre tout citoyen canadien qui ne régurgiterait pas aveuglément le discours de l’OTAN à propos de l’Ukraine. L’« affaire Carley » repose essentiellement sur des mensonges, et l’un des principaux éléments à en ce sens tient dans l’une des déclarations de Sviderskaya, qui affirme que « l’Ukraine était, est et sera toujours au cœur du monde libre ». Voilà une affirmation que l’on pourrait qualifier de risible si ce n’était qu’elle sert le plus sérieusement du monde à promouvoir les intérêts belliqueux du bloc de l’OTAN.


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Arnold August is a Contributing Editor and Advisory Board member for The Canada Files. August is a Montreal-based author of 3 books on US-Cuba-Latin America. As an award-winning journalist, he publishes in English, Spanish & French on several continents, collaborates with, among others, teleSurTV, Cuban TV, Press TV Iran, Radio Sputnik in Washington DC and Friends of Socialist China. He is a member of the International Manifesto Group, The General Gathering in Support of the Choice of Resistance (Palestine/Beirut) and Black Alliance for Peace (BAP) Solidarity Network (US). He has been a strong critic of Canadian foreign policy for several decades, especially since the 2001 Quebec City Summit of the Americas."


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